ROUGE GORGE
« Ce qui ne me tue pas me rend plus fort ». On oublie souvent que cette phrase de Nietzsche, plutôt que de signifier le retour à la santé comme guérison et dépassement de la maladie, exprime au contraire l’acceptation de la maladie comme partie de soi, au même titre que la santé.
Cet amor fati (amour de la destinée), grâce auquel on ressort grandi d’une expérience douloureuse, irrigue comme un fil d’Ariane tout le deuxième album de Rouge Gorge, « René » (comme « né à nouveau »), composé et enregistré par le rennais Robin Poligné parallèlement à sa rééducation et sa reconstruction, au sortir d’une longue maladie. En huit chansons, où la gravité du propos est toujours contrebalancée par la légèreté des mélodies et la chaleur des arrangements, Rouge Gorge photographie, à la manière d’un journal intime, les différentes étapes qui mènent du réveil à la résilience.
Il y a un peu plus d’un an, le Rennais a subi une aggravation de la maladie auto-immune dont il est atteint depuis des années, au point d’être mis dans le coma pendant une semaine. Sa voix a changé : après intubation, elle avait même disparu. Il a dû apprendre à l’apprivoiser à nouveau. Aujourd’hui, elle a acquis un grain, un peu déplumée, elle est plus « boisée », dit-il durant ses concerts.
« Allez-vous-en, vous n’êtes pas plus valeureux que moi », disent les paroles d’une de ses chansons, et qui racontent l’enserrement parfois encombrant d’un entourage trop bienveillant. Comme souvent chez Rouge Gorge, la forme tranche avec le fond : la ritournelle est d’un minimalisme à la fois guilleret et désabusé de jeune homme moderne, d’un genre singulier qu’on aurait envie de baptiser « bossa novö ».
https://www.youtube.com/watch?v=rkFpg3hcpMw&ab_channel=Culturebox